Sans doute avons-nous tous en tête une image de Jean-Baptiste en tant que prophète. Peut-être le voyons-nous grand, mince, poilu, recouvert de fourrures, et d’une hygiène corporelle un peu douteuse. Ce sont là, en partie, des descriptions qui nous proviennent des évangiles. Mais au-delà de cette image qui tient un peu de la caricature, je suis presque certain que notre Jean-Baptiste aurait un regard percutant et plutôt sévère. Nous semblons préférer ça quand nos prophètes ont ce « look » qui porte au jugement. Après tout, ne sont-ils (ou ne sont–elles) pas un peu notre conscience collective? Ne sont-ils pas supposés nous rappeler à l’ordre?
Le prophète ou la prophétesse est aussi un personnage charismatique, qui clame son autorité d’une source autre que strictement humaine. Mais nous avons trop souvent tendance à croire que les prophètes sont des êtres qui agissent seuls, en vase clos, séparés des autres. Pourtant, l’autorité du prophète vient des autres. Nul n’est prophète si les autres ne croient pas à ce qu’il dit ou à ce qu’il fait.
Dans sa lettre au Thessaloniciens, Paul nous dit qu’il ne faut pas mépriser les prophètes, même s’il faut toujours agir avec discernement envers eux et pour toute manifestation surnaturelle. Du même souffle, il nous rappelle aussi qu’il ne faut pas éteindre l’Esprit. Pour Paul, les prophètes sont, en effet, un des grands dons de l’Esprit. La prophétie est donc toujours d’actualité. Peut-être pensons-nous qu’il n’y a plus de prophètes dans notre monde? Mais c’est tout le contraire. Dieu agit toujours avec et par des prophètes. Prennent-ils, par contre, une autre forme?
Je crois qu’il faut élargir notre perspective sur ce que c’est que la prophétie. Sûrement, le prophète individuel existe—il y en a plusieurs exemples historiques assez remarquables—mais qu’en est-il aujourd’hui? Devons-nous repenser le prophète en des termes plus collectifs? Pouvons-nous donc parler de mouvements ou de communautés prophétiques? Je dirais que oui.
En ce troisième dimanche de l’Avent, essayons de voir ce qu’il en est des prophètes aujourd’hui. Essayons de répondre à l’appel au repentit lancé par ce grand prophète, Jean-Baptiste. Je vous propose trois possibilités.
En premier lieu, il y a la question environnementale. Le grand mouvement de protestation qui a été lancé pour sauver les bélugas de Cacouna, par exemple, nous rappelle, d’une façon prophétique, que la terre n’est pas notre dépotoir. Nous devons nous repentir d’en avoir sévèrement abusé. De plus en plus dans les médias, nous entendons parler du courage prophétique de femmes qui décident de ne plus cacher leurs expériences d’abus et de harcèlement. Nous devons nous repentir du fait que notre société encourage trop souvent les secrets de violence sexuelle. Et en cette saison de dépenses à outrance, des voix prophétiques se lèvent pour nous rappeler les dangers financiers et moraux de la surconsommation. Nous devons nous repentir de nos obsessions maladives avec les biens matérielles.
Comme nous le dit saint Paul, ne méprisons pas ces échos prophétiques, et laissons l’Esprit prendre son envol. Notre part consiste à se laisser convertir.