La grâce inconditionnelle de Dieu

Le seizième dimanche après la pentecôte

Philippiens 1, 21-30 Matthieu 20, 1-16

Le très révérend Bertrand Olivier, Doyen et Recteur

‘Prends donc ton salaire et va-t’en. Je veux donner à ce dernier embauché autant qu’à toi.”.

S’il y a une chose que les super-activistes et les personnes motivées, dont je fais parti, trouvent extrêmement difficile à saisir, c’est bien ce concept que nous devrions tous connaître maintenant, car nous l’avons entendu assez souvent répété ici à la cathédrale Christ Church.  Et c’est ceci : la grâce et l’amour de Dieu sont inconditionnels et sont à la disposition de tous.  Il n’est vraiment pas nécessaire de faire quoi que ce soit pour en bénéficier.

Pourtant, quelle que soit notre conviction, un doute persiste dans notre tête : peut-être ne fais-je pas assez pour être vraiment aimé de Dieu, pour ressentir réellement sa présence et pour faire l’expérience de toute la gamme des dons remplis de grâce de Dieu.

Peut-être que si je fais en sorte de réaliser ce prochain projet, cette prochaine tâche, de travailler davantage, alors peut-être que je pourrai être un peu plus sûr que Dieu m’aime…

Notre incertitude peut avoir beaucoup plus à voir avec notre propre relation avec nos pères qu’avec la réalité de notre relation avec Dieu. Ou bien elle est peut-être simplement liée à la façon dont nous sommes faits, et c’est le travail de toute une vie à défaire.

C’est particulièrement vrai pour ceux d’entre nous qui travaillent ou appartiennent à des institutions consacrées à la diffusion de ce message de l’Évangile : la recherche urgente de la perfection peut être si écrasante que rien ne nous empêchera d’essayer de faire le travail de Dieu au lieu de voir que Dieu est souvent déjà bien à l’œuvre sans nous.  Rien ne nous arrêtera tant que nous n’avons pas une interruption dans notre vie.

Et c’est l’expérience que j’ai faite par une belle soirée ensoleillée à la fin du mois de juillet, après une journée entière passée dans la cathédrale. 

C’était bien sur une journée bien remplie avec beaucoup de choses à faire. J’ai fini par éteindre mon ordinateur en fin d’après-midi, en pensant à tout ce qu’il restait à faire – comme c’est le cas tous les jours pour la plupart d’entre nous – et j’ai pris mon vélo pour rentrer chez moi.  Le soleil brillait encore, les rues étaient calmes et j’avais l’impression que le monde était parfait alors que je roulais sur la rue Ontario. 

L’instant d’après, j’étais sur une civière, en route vers les urgences, ayant perdu connaissance dans un accident.

La première nuit aux urgences a été suivie une semaine plus tard par l’opération de mon coude.  Mon visage avait toutes les couleurs de l’arc en ciel. Et pourtant, je pensais que j’allais continuer à travailler et continuer comme si de rien n’était.

Mais la fatigue du choc a été écrasante, et après ma première tentative pour continuer, j’ai dû céder – céder à mon corps, mais aussi à Dieu.  Car tout au long de cette expérience, j’ai eu un sentiment profond de la présence de Dieu avec moi, me voulant simplement arrêter et être; et guérir; et prendre le temps de me reposer, et laisser tout le reste aux soins de Dieu.  Et l’assurance que tout irait bien, même si je n’étais pas là.

Alors, même si ce n’était pas facile, j’ai cédé.  Et le monde de la cathédrale ne s’est pas effondré.

Par une coïncidence du chiffrier de nos lectures, l’Evangile fixé pour aujourd’hui parle profondément de tout cela.  Parce que c’est un texte qui a la capacité de nous pousser à bout, dans un monde où il est acquis qu’un travail réussi apporte des récompenses, un monde où nous sommes jugés et appréciés par la quantité de travail que nous faisons.

Pour la plupart d’entre nous, l’histoire du maître de maison  et des ouvriers est choquante.  Elle l’était déjà pour les disciples à qui Jésus l’a racontée, et elle l’est encore pour nous aujourd’hui.

Comment peut-il être juste et équitable qu’une personne ayant travaillé toute la journée reçoive le même salaire que d’autres qui n’en ont travaillé qu’une partie ? Qu’est-ce que cela dit sur la valeur du travail, qu’est-ce que cela dit sur la justice et l’équité. Et étant donné que ce sont des paroles de Jésus, qu’est-ce que cela nous dit sur Dieu ?

Lorsque nous entendons parler de la colère de plus en plus vive de ceux qui ont travaillé toute la journée alors qu’ils voient les retardataires être rémunérés de manière égale, peut être devons nous aussi examiner ce que nous ressentons de cette situation.

Bien sûr, le maître de maison est tout à fait dans son droit, c’est son argent après tout. Qui sont-ils pour se plaindre, puisqu’ils ont reçu ce qui avait été convenu. Il a le droit d’être généreux au-delà de toute attente.  Et c’est exactement le point que Jésus fait valoir par cette parabole.

La grâce de Dieu ne se gagne pas par les œuvres, quelle qu’en soit la quantité, mais simplement en se présentant, en étant là, que ce soit dès le début ou plus tard – chaque fois que nous rencontrons finalement l’Amour et la Grâce en la personne de Jésus.

Ceux qui suivent Jésus ont bien sûr du mal à croire, eux aussi, que la façon dont nous façonnons notre vie pour la modeler sur le Christ, les sacrifices que nous faisons, la façon dont nous essayons d’être bons, de respecter les règles et de vivre dans la justice, ne comptent pas plus en fin de compte.  Nous pensons, peut-être inconsciemment, que c’est très injuste.  Cette grâce de Dieu qui ne s’appuie pas sur des preuves et n’exige pas d’effort perturbe notre sens du mérite, de la justice humaine.  Et c’est bien là le problème.

Comme ceux qui ont travaillé toute la journée – et qui se sentent maintenant trompés – il nous est difficile de supporter l’idée que d’autres pourraient bénéficier de quelque chose pour laquelle ils n’ont pas travaillé. C’est dur d’apprécier le cadeau fait aux autres.

Nous entendons également cette histoire dans d’autres parties de la Bible.  Jonas est en colère contre Dieu parce qu’il a épargné Ninive ; le fils aîné s’en prend à son père pour avoir accueilli le retour du fils prodigue ; le pharisien juge le publicain et remercie Dieu de ne pas être comme lui.

Et bien sûr, tout au long de l’histoire de l’église aussi, les chrétiens ont porté des jugements les uns sur les autres, au lieu de célébrer la Grâce de Dieu qui embrasse tout.

Et nous même aujourd’hui – aussi inclusifs que nous puissions l’être – avons du mal à vivre avec l’idée que des personnes diamétralement opposées à nous – nos frères et sœurs en Christ – reçoivent également cette Grâce que Dieu promet.

Saint Paul écrit dans sa lettre aux Philippiens : “Vivez votre vie d’une manière digne de l’Évangile du Christ, afin que je sache que vous êtes fermes dans un seul esprit”.  Et pour lui, le privilège que Dieu nous a donné n’est pas seulement de croire au Christ, mais aussi de supporter le coût sur notre vie de notre service à Dieu. Cela peut être démontré de nombreuses manières, du martyre des premiers disciples aux actions pour la justice et la paix, en passant par des vies tranquilles et inébranlables de prière et de service.  En fin de compte, ce sont des réponses différentes à la grâce qui nous est donnée, et non des moyens de parvenir à un salut rapide.

Il peut parfois être exténuant en consultant le site web de la cathédrale de voir le vaste éventail de possibilités de culte ainsi que les nombreuses activités et les projets dans lesquels divers segments de notre communauté sont engagés.  Et il peut être facile de penser que nous ne sommes pas à la hauteur des attentes divine, que nous ne n’en ferons jamais assez pour Dieu.

Mais aujourd’hui, Jésus nous rappelle à nouveau cette vérité : nous n’avons rien à faire pour être dignes de l’amour Dieu.  Dieu nous aime, et Dieu répand sa grâce dans notre vie.  Soyons en donc extrêmement heureux et réjouissons-nous.

Amen

 

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