Hors-de-l’ordinaire

Jésus leur dit alors: “Venez manger.” C’est une phrase toute simple: une invitation à partager le poisson et le pain que Jésus venait tout juste de faire cuire sur la plage. Cela peut nous paraître comme un geste étrange venant de quelqu’un qui venait de ressusciter. Pourquoi quelque chose d’aussi simple, quelque chose d’aussi ordinaire, quelque chose d’aussi nécessaire que de la nourriture? Pourquoi cette invitation à un pique-nique sur la plage avec un Christ ressuscité?

Revoyons la scène. Les disciples—qui étaient sans doute anxieux et un peu déçus—décident d’aller pêcher au petit matin. C’est leur gagne-pain. Incertains de leur avenir, ils se remettent à faire ce qu’ils ont toujours fait, mais sans succès. Un étranger les appelle au loin, sur la plage, leur disant de jeter leur filet ailleurs, et les invitant par après à venir manger avec lui. Ils ont une pêche miraculeuse, et ils finissent par reconnaître Jésus. Simon-Pierre est tout excité, mais il prend le temps de s’habiller avec de sauter à l’eau pour aller à la rencontre de Jésus (car il était nu; peut-être qu’il faisait chaud.) Les disciples ont tous l’air un peu gêné. Ils n’osent pas demander si c’est vraiment Jésus. Jésus les invite à partager de la nourriture, à manger ensemble. Voilà. Rien de compliqué. Un simple repas entre amis. Mais c’est aussi une rencontre avec le Dieu vivant: une expérience à la fois ordinaire et extraordinaire. Le point de départ, par contre, c’est du pain et du poisson, de la simple bouffe. Tout comme ce que nous faisons ici cet après-midi: de la simple bouffe—pain et vin—mais qui nous servent de lieu de rencontre avec notre Dieu.

Car il ne devrait pas y avoir rien de compliqué non plus avec notre foi. La foi, c’est aussi simple que de partager un repas sur la plage avec Jésus. C’est ça la beauté de cette histoire de l’évangile d’aujourd’hui. Elle nous rappelle que, plus souvent que non, nous rencontrons le Christ dans les plus simples, les plus banales, et les plus ordinaires moments et expériences de notre vie. J’ai l’impression que nous pensons trop souvent que nos expériences de foi doivent nécessairement être de grandes et belles choses—extraordinaires, hors-de-l’ordinaire—pour qu’elles soient vraiment valables ou authentiques. Tout comme dans mon enfance, quand on me disait que je devais être parfait dans mes croyances et mes pratiques pieuses pour que Dieu vienne à ma rencontre. Mais Dieu ne veut pas de tout ça. Dieu veut simplement que nous venions partager son repas, que ce soit sur la plage comme l’ont fait les disciples, ou ici-même, entre nous, à la cathédrale. « Venez manger. »

C’est le même Christ ressuscité qui nous lance l’invitation.

Notre foi, c’est d’abord et avant tout une question de relations: avec Dieu, avec notre prochain, avec cette terre qui nous donne vie, avec notre fort-intérieur. Ce sont tous des endroits ou le Christ nous invite à venir manger avec lui, à venir le rencontrer, à venir converser en amis intimes et fidèles. Nous pouvons décliner l’invitation à ce festin, et nous pouvons aussi l’accepter. Mais comme nous avons tous de très bonnes manières, nous savons qu’il faut toujours que nous répondions à une invitation, qu’elle soit sur une plage ou dans une église. « Venez manger. »

Poster un commentaire