HOMÉLIE—26e Temps Ordinaire, Novembre 2018—Résister
Si, comme moi, vous avez grandi dans les années ‘50 et ’60, vous vous rappelez peut-être de la grande peur que nous avions des armes nucléaires. Nous avions toujours l’impression de nous trouver au bord d’un précipice, et je me rappelle encore avec une certaine émotion de la crise des missiles nucléaires à Cuba en octobre 1962, même si je n’avais que dix ans. Comme le dit l’évangile de Marc d’aujourd’hui, « Vous entendrez parler de guerres et de rumeurs de guerres. »
Les textes que nous venons d’entendre cet après-midi nous parlent d’un monde nouveau qui doit naître, et de ce qui doit l’annoncer. En grande partie, ils servent à nous préparer pour la saison liturgique de l’Avent, qui débute dans deux semaines. Le nouveau monde, c’est la venue de Celui qui doit tout changer, Jésus le Christ. Mais nous savons aussi que d’autres se servent de textes comme ceux-ci à des fins politiques, pour nous faire peur. C’est pourquoi il est important de se rappeler que ces textes nous appellent aussi à une forme de résistance chrétienne.
Peut-être, encore comme moi, êtes-vous vraiment tannés, même écœurés—comme on dirait en bon québécois—de ce que l’on voit et entend aux nouvelles du soir. Peut-être en avez-vous assez des tweets haineux, des mensonges à outrance, des stéréotypes malicieux, et aussi de ce langage corrompu que certains dirigeants politiques, et vous savez de qui je parle, véhiculent quotidiennement. Comme le dit Jésus dans l’évangile de Marc : « Prenez garde que personne ne vous égare. » C’est à la fois un avertissement, mais aussi une exigence rattachée à notre devoir de chrétien et de chrétienne. Résistez.
Mais comment résister ? Comment refuser de se laisser emporter par tous ces mensonges et toute cette haine ? Comment choisir le Christ plutôt que de choisir les pouvoirs de ce monde ? Comment dire « non ? » Tournons-nous vers la lettre aux Hébreux.
« Frères et sœurs (…) Continuons sans fléchir d’affirmer notre espérance, car il est fidèle, celui qui a promis. Soyons attentifs les uns aux autres pour nous stimuler à vivre dans l’amour et à bien agir.» J’aime beaucoup cette dernière phrase. Concrètement, qu’est-ce que cela pourrait bien vouloir dire pour nous ici, maintenant ? Comment demeurer attentifs ? Comment se stimuler mutuellement à vivre dans l’amour et à bien agir?
En refusant d’écouter, avec une curiosité morbide, ces demi-vérités et ces mensonges que les décideurs politiques veulent nous faire croire, et qui passent beaucoup trop souvent pour la vérité. En se distançant du langage venimeux et des stéréotypes humiliants et déshumanisants. En choisissant d’accueillir l’exclu et le laissé-pour-compte. En disant « non » à toute forme de contrainte malicieuse. En formant des communautés de résistance, des endroits où nous sommes attentifs les uns aux autres, où nous nous stimulons à aimer. En un mot, résister pour mieux se préparer à accueillir Celui qui viendra d’ici peu, mais aussi au grand jour de la fin.