Le septième dimanche après la Pentecôte
Amos 7, 7-15 Psaume 85, 9-14 Ephésiens 1, 3-14 Marc 3, 20-35
Le très révérend Bertrand Olivier, Doyen et Recteur
L’été s’installe doucement, et le soleil semble revenir dans cette partie du Canada. Et après une année inattendue d’incertitude et de changements continus, l’amélioration de la situation globale du Covid signifie que nous commençons à pousser des soupirs de soulagement alors que nous testons de nouvelles libertés et réapprenons à socialiser et à être ensemble d’une manière que nous avions dû désapprendre pendant un certain temps.
Il est toujours difficile de faire des plans avec une quelconque prévisibilité mais, au moins pour ceux qui sont déjà vaccinés, l’avenir semble plus libre et plus sécuritaire.
Cependant, les affaires mondiales ne semblent jamais s’éclaircir, même en période de vacances. Au milieu des traumatismes continuels provoqués par la découverte de corps d’enfants enterrés dans l’enceinte d’anciens pensionnats, il y a eu quelques lueurs d’espoir cette semaine lorsque la dirigeante inuite Mary Simon a été nommée gouverneur général du Canada, la première personne autochtone à occuper ce poste, une nomination symbolique à un moment où l’on se remet en question.
Et RoseAnne Archibald a été élue chef national de l’Assemblée des Premières Nations, la première femme et la première personne LGBTQ2S à être élue à ce poste.
Mais nous avons été choqués par les températures élevées dans l’ouest du Canada et le nombre d’incendies qui ont touché des communautés entières, l’une des conséquences toujours plus importantes du réchauffement climatique.
Nous avons également appris avec consternation l’assassinat du président d’Haïti, Jovenel Moïse, qui accroît l’incertitude politique et l’anxiété du peuple haïtien en ce moment, sur une île déjà éprouvée par de nombreuses crises, la violence et la pauvreté.
Le monde peut parfois nous donner l’impression d’être hors de contrôle, et il ne fait aucun doute que l’impact de l’humanité sur notre planète est une arme à double tranchant.
Dans une culture souvent sceptique, voire hostile, à l’égard des personnes de toute confession, les prophètes des temps modernes sont généralement rapidement balayés par les pouvoirs en place, qu’il s’agisse de ceux du profit des entreprises ou de l’ambition personnelle, ou tout simplement des foules hurlantes des médias sociaux.
Mais ce n’est pas nouveau. Il n’y en a pas beaucoup qui aiment que leurs plans soient contrecarrés par un appel à la retenue, à la justice ou au bien commun. L’ego humain est construit de manière à promouvoir d’abord nos intérêts. Il faut beaucoup de connaissance de soi et d’humilité, ainsi que la croyance en une force divine supérieure, pour transcender nos désirs.
Amos, un prophète improbable du 8e siècle avant notre ère commune, vivait à une époque de prospérité et de paix relatives, mais aussi à une époque où la loi de Dieu était considérablement négligée.
N’étant pas un prophète professionnel – beaucoup d’entre eux étant discrédités – il était à l’origine un gardien de troupeau et un exploitant de sycomore du royaume méridional de Juda. Pourtant, Dieu l’appelle à prophétiser dans le royaume du nord d’Israël.
Le message d’Amos dénonçait principalement une disparité accrue entre les très riches et les très pauvres, des thèmes qui, 2800 ans plus tard, sont malheureusement toujours d’actualité, si ce n’est plus.
La corruption sociale et l’oppression des pauvres et des impuissants étaient monnaie courante. Dans une société de plus en plus cosmopolite en raison de l’augmentation du commerce et des échanges d’idées, certains mélangeaient leur culte de Dieu avec celui de divinités païennes.
Appelé à prophétiser à Béthel, ses tentatives ont été contrecarrées par le prêtre Amaziah, et il n’a pas pu transmettre directement au roi son message sur la chute imminente de la dynastie régnante.
Au lieu de cela, il est rentré chez lui et a été le premier à se tourner vers les médias sociaux de son époque en écrivant ses prophéties pour qu’elles puissent au moins être diffusées.
L’image visuelle du fil à plomb dans la prophétie d’Amos que nous lisons aujourd’hui ne pourrait être plus frappante. Il est peu probable qu’un mur soit construit droit sans référence à cette ligne verticale. Et Amos n’y va pas par quatre chemins. La ligne de référence est claire – soin et justice pour les pauvres et les opprimés, paix pour tous – c’est la ligne selon laquelle Dieu jugera Israël et ses règles – et en fait nous jugera tous.
Le Dieu d’Amos ne s’intéresse pas aux rituels vides et sans signification suivis d’excès et d’un manque de retenue. Au contraire, Dieu se préoccupe de la droiture, et du fait que la chose juste doit être faite. Hélas, cette fois, le message tombe dans l’oreille d’un sourd.
Dans notre Évangile, nous entendons l’histoire de celui dont la prophétie n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd, celui qui attire les foules par son enseignement et son mode de vie austère, celui qui ouvre la voie à un autre encore plus puissant que lui, celui qui rappelle les gens au fil à plomb.
A cause de sa franchise, Jean le Baptiste tombe en opposition avec Hérodiade, la femme du souverain local, alors qu’il s’oppose à son mariage avec son beau-frère. Elle réussit à persuader Hérode de l’emprisonner, bien qu’Hérode ait reconnu le Baptiste comme quelqu’un de juste et de saint.
L’histoire aurait pu s’arrêter là, si ce n’était la vindicte manipulatrice d’Hérodiade, et l’opportunité d’une danse lascive de sa fille. Hérode en est tellement ému qu’il est prêt à tout lui donner. Il devait s’agir d’une danse très spéciale et très persuasive pour qu’Hérode aille jusqu’à offrir la moitié de son royaume.
Au lieu de cela, la mère et la fille exigent la tête de Jean le Baptiste.
Hérode, qui a promis de donner à Hérodias tout ce qu’elle voulait, non seulement devant ses invités, mais aussi en prêtant serment à Dieu, se trouve maintenant dans une double impasse – soit briser la promesse faite à sa fille, soit, plus grave encore, briser un serment fait à Dieu. En fin de compte, il n’a guère d’autre choix que d’accepter et de faire décapiter le Baptiste. Ce n’est sans doute pas le premier ni le dernier homme à s’être fait piéger par la passion et par des paroles imprudentes.
Ces deux histoires pourraient être éminemment déprimantes si nous les examinons des centaines d’années plus tard et si nous établissons des parallèles avec les événements mondiaux proches et plus lointains.
Après tout, combien de prophètes des temps modernes – militants écologistes, leaders des premières nations, membres de groupes ethniques minoritaires, de minorités sexuelles et de genre, militants pour la justice, artisans de la paix – ont été tués, même à notre époque, pour avoir cherché la justice divine d’Amos pour les pauvres et les opprimés ?
Et pourtant, Dieu continue à susciter de nouvelles vocations pour prendre part à cette quête divine de reconstruction du Royaume de Dieu sur terre, un royaume de paix, de justice et de prospérité pour tous, et pas seulement pour une poignée d’élus.
Paul, dans sa lettre au peuple d’Ephèse, nous rappelle le mystère de la volonté de Dieu de réunir finalement les choses terrestres et célestes.
Nous recevons la grâce et le pardon de nos fautes par le sacrifice du Christ, afin que nous puissions être renouvelés dans nos vies, que nous recevions l’énergie et la perspicacité nécessaires pour jouer notre rôle dans l’instauration de la justice divine dans le monde, afin que du bois tordu de l’humanité puisse émerger un monde qui soit fidèle au fil à plomb divin de la prophétie d’Amos.
Bien entendu, aucun individu ne peut y parvenir seul, il s’agit d’une quête communautaire permanente à laquelle les chrétiens du monde entier contribuent par le biais de leurs communautés locales et mondiales.
Les évêques de la communion anglicane commencent à se préparer à leur rencontre à la Conférence de Lambeth l’année prochaine, et participent à des échanges réguliers au cours desquels ils peuvent discuter de nos similitudes mais aussi de nos différences.
S’écouter les uns les autres dans une atmosphère de prière et de respect est essentiel pour comprendre comment Dieu parle dans chaque situation, dans chacune de nos vies. S’ouvrir à l’action de l’Esprit Saint dans notre réponse aux besoins que nous voyons est une des clés pour laisser le flot de l’amour divin atteindre les quatre coins de nos communautés, les quatre coins du monde.
Ici, au centre-ville de Montréal, nous sommes également appelés à dialoguer et à prier profondément sur ce que Dieu nous appelle à être, ce que Dieu nous appelle à faire en réponse aux besoins que nous identifions.
Vous avez été nombreux à répondre à notre sondage il y a quelques semaines, alors que nous cherchons à discerner l’orientation de notre cathédrale après la pandémie. Nous avons rassemblé les réponses et organiserons des discussions de suivi en petits groupes dans les semaines à venir. Il est d’ores et déjà évident qu’un fort sentiment de communauté est ce qui nous lie dans notre mission envers notre localité – que ce soit dans la prière et le culte, l’action sociale, l’inclusion, la justice sociale, ou tout simplement dans le plaisir de se retrouver et de se détendre.
Rendons donc grâce pour les nombreuses façons dont l’amour de Dieu brille dans la vie de notre cathédrale, et prions pour la sagesse, le courage et l’aide du Christ, notre maître d’œuvre, pour continuer à chercher les endroits où nous ne sommes pas en accord avec le fil à plomb divin.
Amen