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Le monde que nous ne voyons pas (encore)

« De tout mon être je dirai la grandeur du Seigneur,
mon cœur déborde de joie à cause de Dieu, mon sauveur !
Car il a porté son regard sur l’abaissement de sa servante.
Oui, dès maintenant et en tous les temps, les humains me diront bienheureuse,
car celui qui est puissant a fait pour moi des choses magnifiques.
Il est le Dieu saint, il est plein de bonté de génération en génération
pour ceux qui reconnaissent son autorité.
Il a montré son pouvoir en déployant sa force :
il a mis en déroute ceux qui ont le cœur orgueilleux,
il a renversé les puissants de leurs trônes
et il a élevé les humiliés au premier rang.
Il a comblé de biens ceux qui avaient faim,
et il a renvoyé les riches les mains vides.
Il est venu en aide à Israël, le peuple qui le sert :
il n’a pas oublié de manifester sa bonté
envers Abraham et ses descendants, pour toujours,
comme il l’avait promis à nos ancêtres. » (Luc 1, 46-55)

D’une certaine manière, 2020 a semblé apocalyptique. L’année a commencé avec l’Australie en feu, et maintenant, nous sommes à près de 10 mois d’une pandémie qui a infecté des millions de personnes et laissé de nombreux paysages urbains à l’abandon. Mais 2020 a également été apocalyptique au sens technique du terme : elle a révélé ce qui était caché, ou du moins, caché à la vue. La pandémie a montré ce qu’est réellement le travail – et à qui il appartient – et les résultats sanitaires disparates de l’inégalité sociale. La fermeté du mouvement Black Lives Matter a montré à la fois la richesse des communautés noires et a mis au défi beaucoup de gens de voir l’omniprésence du racisme systémique. Le courage de Joyce Echaquan a dépassé sa mort et a rendu impossible d’ignorer la discrimination contre les peuples autochtones du Québec. Beaucoup de vérités ont été mises à nu cette année : des nouvelles suspectes pour certains, mais pas si évidentes pour d’autres, de nouvelles révélations pour d’autres encore.

Face aux vérités difficiles de cette année, comme au cours des deux derniers millénaires, les chrétiens continuent de chanter la chanson de Marie. Lorsqu’elle chante, Marie dit la vérité sur le monde tel qu’il est : il y a les affamés et ceux qui sont rassasiés, les puissants et les humbles. Elle dit la vérité sur sa propre vie : elle fait partie des doux, et cette grossesse improbable est en effet une bénédiction. Encore jeune fille, faisant partie d’une nation occupée en marge d’un puissant empire, cette bénédiction n’efface pas la précarité de sa vie : comme Siméon le lui dira plus tard, son amour profond pour son fils lui fera transpercer sa propre âme, encore et toujours. Dans la tradition des prophètes d’Israël, Marie dit la vérité sur Dieu, qui a été et est miséricordieux et fidèle à elle et au peuple de Dieu.

Le chant de Marie va plus loin que de dire la vérité sur le monde tel qu’il est. Le chant de Marie, comme le fils de Marie, donne une vision de ce qui peut être, de ce qui doit être. Témoignant de la promesse de l’enfant qui grandit en elle, elle chante la fermeté de la miséricorde de Dieu, la promesse de la justice de Dieu. Elle chante la fin des tyrans, la fin de la faim, d’un monde où règnent la miséricorde et l’équité. Elle montre le bras puissant de Dieu qui se manifestera dans son bébé pleurnichard, dans les bras de son fils étendu sur la croix pour embrasser le monde entier. La puissance de Dieu travaille à la rédemption en disant la vérité, en donnant et en appelant à la compassion. Alors que nous nous joignons à Marie dans ce chant, puissions-nous nous joindre à elle pour nommer le monde tel qu’il est, et désirer ardemment ce qui peut et doit être.

— Jen Bourke

image: Kelly Lattimore

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