
Eh bien, nous sommes ici le mardi de la semaine de Pâques, et bien que je sache que Pâques est arrivé le dimanche, j’ai l’impression que nous sommes toujours dans un entre-deux, plus comme le Samedi Saint que les Esters joyeux, printaniers et pleins d’espoir dont je me souviens depuis plus de soixante ans. J’aimais notre culte le dimanche matin, beaucoup d’entre nous portant des imprimés à fleurs, des cravates pastel, des couleurs printanières, et même un chapeau ou deux. Aussi joyeux que nous ayons été, et heureux d’être “ensemble”, je pense que nous avons tous ressenti l’absence non seulement de l’Eucharistie, de la présence physique de chacun, du chœur et des trompettes, des fleurs et des gâteaux, mais aussi de ce sentiment d’un voyage achevé que Pâques apporte habituellement. Nous ne savons pas ce que les prochaines semaines et les prochains mois nous réservent. Nous ne savons pas combien de temps nous resterons dans cet état de suspension du lieu et du temps. Nous ne savons pas combien de temps nous serons préoccupés par ce qui pourrait nous arriver, à nos proches, à nos finances et même à notre cathédrale bien-aimée, avant que cette situation ne se résolve.
Le psaume 103, désigné pour la prière du matin aujourd’hui, est un hymne de remerciement pour le rétablissement de la maladie. Il commence :
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
et tout ce qui est en moi,
bénir son saint nom.
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
et n’oubliez pas tous ses avantages —
qui pardonne toutes tes iniquités,
qui guérit toutes vos maladies
Ces lignes sont certainement ce que nous désirons, mais aujourd’hui encore, elles nous semblent quelque peu… prématurées. Lorsque nous regardons le psaume qui précède celui-ci, le psaume 102, nous trouvons la prière d’une personne malade et affligée. Ces phrases familières du Carême ont servi de base à certaines des musiques les plus mémorables d’Henry Purcell et de Richard Farrant, que nous chantons toujours pendant le Carême :
Écoute ma prière, Seigneur,
et que mon cri parvienne jusqu’à toi.
Ne me cache pas ton visage,
au jour de ma détresse.
et ça continue :
Car mes jours passent comme de la fumée
et mes os brûlent comme un four
Mon cœur est frappé et flétri comme l’herbe
Je suis trop gaspillé pour manger mon pain.
Oui, on peut s’identifier à cela. Alors, sommes-nous toujours là, avec le psalmiste frappé, ou bien Pâques est-elle venue et nous a-t-elle remplis d’espoir ? Ou peut-être sommes-nous en train de vaciller entre ces deux pôles de supplication et d’action de grâce, si bien exprimés par les psaumes 102 et 103 ?
Il est impossible d’ignorer la réalité dans laquelle nous vivons. La mère d’un ami est morte du virus ici au Québec samedi. Nous avons vu des images inoubliables de centaines de cercueils enterrés dans des tranchées à New York, ce centre d’énergie et de vie. Jésus est mort sur une croix. De jeunes réfugiés meurent dans des camps de migrants. Rien de tout cela n’aurait dû se produire, et pourtant, c’est arrivé et cela continue de se produire maintenant.
J’ai été hanté par les photographies du pape François, priant seul la nuit sur une place Saint-Pierre déserte. J’ai été dans ce vaste espace, attendant avec des milliers d’autres visiteurs d’entrer dans la basilique ; il est difficile d’imaginer qu’elle soit vide. D’une certaine manière, la désolation et la solitude poignante de cette image résumait la question spirituelle que beaucoup doivent se poser : s’il y a un Dieu, comment peut-il (elle) permettre une telle souffrance ? En temps de guerre, les gens des factions opposées prient des prières opposées. Mais en ce moment, le monde entier est uni pour que ce virus cesse et que des vies soient épargnées. Le vide de cette place à Rome m’a semblé demander : “Où est Dieu dans cette crise, et nous écoute-t-il ?
Je suis retourné au Psaume 103 – le psaume d’action de grâce – pour chercher des réponses.
Tout au long du psaume, le psalmiste parle de la compassion et de la miséricorde de Dieu, de sa lenteur face à la colère, de son pardon. Pas moins de quatre fois, nous rencontrons l’expression “son amour inébranlable”. Et cet amour inébranlable est mis en contraste avec la vie fugace des êtres humains :
Quant aux mortels, leurs jours sont comme de l’herbe ;
ils s’épanouissent comme une fleur des champs ;
car le vent passe sur elle, et elle a disparu,
et sa place ne le connaît plus.
Mais l’amour inébranlable du Seigneur
est de l’éternel à l’éternel…
Il me semble que c’est pour cela que nous devons prier : pour être, pendant notre vie finie sur terre, une incarnation de l’amour inébranlable de Dieu. C’est ce que Jésus nous a demandé lors de la dernière Cène, dans son message final à ses disciples : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.”
Un amour inébranlable, c’est ce que j’ai vu sur les visages de notre communauté réunis sur un écran Zoom le matin de l’Est. Et l’amour inébranlable me rappelle aussi le passé des Easters, et les visages de ma famille et de mes amis, dont beaucoup sont partis maintenant, mais qui ont vécu cette phrase dans leur propre vie. L’amour des uns pour les autres face à la difficulté, l’amour au pied de la croix et au tombeau, l’amour malgré les difficultés, la douleur et l’incertitude de cette époque particulière, et l’amour qui attend avec impatience le printemps, le renouveau et la résurrection, non seulement dans l’avenir, mais chaque jour.
–Beth Adams